Merah avait effectué plusieurs voyages au Moyen-Orient en 2010 et 2011 et aurait bénéficié d’une formation d’Al-Qaïda, notamment dans les zones tribales au Pakistan. Il aurait également combattu en Afghanistan avec les talibans contre les troupes de l’OTAN. Mohammed Merah aurait en outre voyagé en Syrie, en Jordanie et en Irak, comme le révèle le journal Le Monde
qui le définit comme un « membre actif de la mouvance djihadiste internationale ». Il se situe donc loin du profil du « loup solitaire » auto-radicalisé via Internet mis en avant par les portes paroles gouvernementaux. Il est également surprenant que ses déplacements aient pu échapper à l’attention de la DGSE. Dans ce contexte on peut se poser la question de savoir s’il aurait agi pour le compte ou avec l’aval des services de renseignement. C’est en tout cas ce que suggèrent les relevés téléphoniques de son smartphone qui ont révélés que le tueur de Toulouse était en contact régulier avec la DCRI. Entre le 22 octobre 2011 et le 19 mars 2012, il a en effet eu huit contacts téléphoniques avec l’agence de renseignement, comme le rapporte le journal Le Point. Les derniers contacts avec la DCRI se situent quelques heures seulement après la tuerie de l’école juive de Toulouse. Toutefois, la nature des liens entre la DCRI et Merah n’a pas été éclaircie à ce jour, alors qu’une enquête interne a été ouverte.
Début juin, l’affaire a brutalement refait surface avec le retour en France du père de Mohammed Merah et la médiatisation de l’action d’Albert Chennouf, le père d’une des militaires tué par le terroriste présumé.
Convaincu que les services de renseignement français cachent des choses sur leur véritable relation avec Merah, Albert Chennouf était entendu par la gendarmerie de Toulouse le 9 juin dans le cadre de sa plainte contre X pour « destruction de preuve ». En cause selon lui, des vidéos filmées par Mohammed Merah avec son smartphone au cours de ses négociations avec le RAID et dont son père affirmait être en possession. Selon ce dernier, elles prouveraient que son fils a été victime d’un complot et travaillait effectivement pour les services de renseignement français. Le père de Merah avait d’ailleurs porté plainte contre X en juin 2012 pour meurtre sur la base de ces vidéos, avant de renvoyer son avocate. Le terroriste présumé y déclarerait être innocent et s’être fait piégé par son contact au sein de la DCRI…
Cependant, selon Albert Chennouf, les vidéos en question auraient été rachetées par le renseignement français au père de Mohammed Merah pour la somme de 30000€. Il tient ses informations des services de renseignement algériens qui l’ont abordé alors qu’il se trouvait à Alger en décembre 2012. Selon lui : « Ils m’apprennent que les documents vidéos qu’avait en sa possession le père de Mohammed Merah lui ont été achetés 30 000€ par les services français de la DGSE en échange de son silence.» Toujours selon Albert Chennouf, les 30000 euros auraient permis au père de Mohammed Merah de faire l’acquisition d’un terrain de trois hectares en Algérie.
A la nouvelle du retour en France du père de Mohammed Merah dans le but de faire renouveler sa carte de séjour arrivée à expiration, Albert Chennouf a aussitôt tenté d’entrer en contact avec lui, sans succès. Les autorités françaises ont cependant rapidement pris la décision de l’expulser vers l’Algérie, au motif que son titre de séjour était périmé et qu’il était par conséquent en situation irrégulière. Il a été interpellé le 5 juin et reconduit le même jour en Algérie. Cet excès de zèle des autorités françaises à l’encontre d’un témoin essentiel dans le cadre de la plainte déposée par Albert Chennouf a provoqué la colère de ses avocats qui ont exprimé : « leur indignation devant la précipitation dont ont fait preuve les autorités publiques alors qu’il était absolument impératif qu’il soit entendu concernant les vidéos enregistrées
et l’argent monnayé en échange de son silence. »
La précipitation des autorités françaises à se débarrasser de ce témoin clef semble cependant valider les informations des services de renseignements algériens à Albert Chennouf, y compris dans leur conclusion très pessimiste : «Désolé, mais vous ne saurez jamais la vérité…»