
On ne parle pas de prothèse mécanique mais bien d’un membre biologique ! L’équipe de Harald Ott du Centre de médecine régénérative du General Massachusetts Hospital
de Boston (Etats-Unis) a construit une patte de rat bio-artificielle selon un article publié dans la revue Biomaterials. Cet exploit a été accompli grâce à la technique de "décellularisation - recellularisation". Elle consiste à débarrasser l’organe - ou ici le membre - de toutes ses cellules, en le perfusant par des détergents et une succession de lavages. Afin de n’en garder que l’architecture, la matrice extracellulaire, constituée de collagène, d’élastine, de fibronectine, de laminine et de calcium. Puis de réinjecter des cellules dans cette sorte de moulage inerte, pour aller recoloniser l’organe. Mais pas n’importe quelles cellules ! Des cellules cultivées en laboratoire à partir de cellules souches sélectionnées.
Un membre de remplacement

L’idée futuriste est de pouvoir créer un membre de remplacement à partir des propres cellules d’un patient, évitant ainsi le risque de rejet du transplant. Pour le moment, toute greffe de mains ou de pieds doit en effet s’accompagner d’un traitement immunosuppresseur lourd pour éviter le rejet du greffon. Cette technique a déjà été testée pour le coeur et récemment les poumons. Là, Harald Ott s’attaque à un membre fait de tissus composites, c'est-à-dire de différents types cellulaires. "Nous avons injecté dans la patte antérieure, décellularisée, des myoblastes pour reformer de futures cellules musculaires, détaille-t-il, mais aussi des fibroblastes ou encore des cellules endothéliales pour reconstituer les vaisseaux sanguins." Et ça a fonctionné !

Pour montrer que leur méthode peut être adaptée à un organisme d’une plus grande taille, l'équipe a déjà "décellularisé" une patte de primate.
Les cellules ont recolonisé la patte
Compartiment par compartiment, les cellules ont recolonisé la patte qui, petit à petit, s’est reconstituée. Les chercheurs ont poussé l’expérience plus loin. En appliquant un courant électrique, ils ont constaté que le membre avait retrouvé ses capacités de contraction. Enfin, ils ont greffé cette bio-patte sur un rat adulte amputé et le sang s’est remis à circuler.
"Cette étude a un grand potentiel, confirme Ignacio Anegon, directeur de l'unité Inserm - Centre pour la recherche en transplantation et immuno-intervention de Nantes, comme pour les organes (cœur, foie, etc.) générés avec la même technique. Le procédé est très prometteur si on envisage la possibilité d’utiliser à l’avenir des cellules souches pluripotentes induites ( IPs) du même patient." Selon le spécialiste, l'obstacle le plus important reste l’incorporation du tissu nerveux dans le greffon qui doit se connecter avec celui du receveur. "Je ne vois pas d’application d’ici à cinq voire dix ans."